Licence AES 1ère année, Université Paris Nord – Villetaneuse (UFR Droit, sciences politiques et sociales). 1er semestre, 2008-2012.
Présentation générale du cours :
Ce cours vise un double objectif : une familiarisation avec la démarche sociologique, sous ses aspects à la fois méthodologiques et théoriques, et l’acquisition, à partir de cette démarche, de repères empiriques et analytiques concernant quelques grands enjeux des sociétés contemporaines. Le cours est organisé en trois parties : une partie d’introduction générale à la discipline (présentation de la démarche, aperçu des grands auteurs et grands courants sociologiques), une partie consacrée à quelques questionnements de sociologie générale (autour des concepts de culture, socialisation et identités, normes et déviances, et stratification sociale), et une troisième partie présentant deux sociologies spécialisées (sociologie de l’école et sociologie urbaine).
support complet intro socio L1AES
PLAN GÉNÉRAL DU COURS
Partie 1 : Qu’est-ce que la sociologie ?
Chapitre 1 : La sociologie, une démarche d’analyse scientifique du social
Chapitre 2 : Grands auteurs et grands courants (1) – La naissance de la sociologie
Chapitre 3 : Grands auteurs et grands courants (2) – Les grands courants de la sociologie moderne
Partie 2 : Quelques questionnements sociologiques transversaux
Chapitre 4 : Cultures, socialisation et identités
Chapitre 5 : Contrôle social, normes et déviance
Chapitre 6 : Stratification sociale et inégalités
Partie 3 : Deux exemples de thèmes sociologiques
Chapitre 7 : Sociologie de l’école
Chapitre 8 : Sociologie urbaine
Conclusion
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RESUME DES CHAPITRES
Partie 1 : Qu’est-ce que la sociologie ?
Chapitre 1 : La sociologie, une démarche d’analyse scientifique du social
Par-delà la diversité de ses objets et des questionnements qui la guident, la sociologie peut se définir comme une démarche d’analyse scientifique du social. En tant que science, la sociologie se caractérise par une aspiration à l’objectivité, et par la mise à l’écart des jugements de valeur sur les objets qu’elle se donne. Le savoir scientifique produit par la sociologie consiste en deux choses : des connaissances empiriques, et des analyses, des savoirs à dimension plus théorique. On peut distinguer deux grands types de connaissances empiriques ainsi fournies : d’une part des données chiffrées sur la société (par exemple, taux de nuptialité, répartition de la population active selon les différentes catégories socioprofessionnelles) ; d’autre part des données à teneur plus « qualitative » : entretiens, descriptions de lieux ou d’activités particulières… Outre la production de données, la sociologie est dotée d’une ambition théorique ; elle est porteuse d’une ambition de compréhension et d’explication du social. La montée en généralité peut se faire à partir de concepts, modèles, théories.
L’inscription de la sociologie dans le domaine des sciences implique par ailleurs le recours à des méthodes systématiques d’investigation empirique. On distingue deux grands types de méthodes, qui correspondent aux deux grands types de données précédemment décrits : les méthodes quantitatives et les méthodes qualitatives. Le questionnaire est la principale méthode de collecte des données dans une perspective quantitative. Du côté des méthodes qualitatives, les principales méthodes utilisées sont l’entretien et l’observation directe. On parle souvent de façon générique d’ « enquête de terrain » pour désigner l’usage de ces méthodes qualitatives. Souvent présentées comme antagoniques, méthodes quantitatives et méthodes qualitatives sont en réalité complémentaires dans le travail de recherche. Elles permettent de produire des types de données différents, et de répondre à des questions différentes : mise en relation de données chiffrées à un niveau macro en vue d’expliquer des faits sociaux d’un côté, compréhension plus fine des pratiques, des processus, des trajectoires et des représentations des acteurs de l’autre.
Diapos chapitre 1-parties 1 et 2
Chapitre 2 : Grands auteurs et grands courants (1) – La naissance de la sociologie
La sociologie se met en place au cours et plus nettement à la fin du XIXème siècle, dans un contexte marqué par l’influence conjointe de deux révolutions, la révolution industrielle et la Révolution française. Ces deux changements majeurs (l’un progressif, l’autre plus brutal) induisent un sentiment de rupture et l’émergence d’un besoin de connaissance du social, que traduit bien le développement de « l’enquête sociale ». Emerge par ailleurs un besoin de comprendre le sens de ces évolutions historiques : ce questionnement sur le sens des évolutions en cours est au cœur des réflexions des trois précurseurs de la sociologie que sont Tocqueville, Marx et Comte.
Ce n’est toutefois qu’à la fin du XIXème et au début du XXème siècle que la sociologie se constitue véritablement comme discipline. En Europe, on identifie généralement Emile Durkheim en France et Max Weber en Allemagne comme les deux « pères fondateurs » de la sociologie. Mais au début du XXème siècle, une autre tradition sociologique prend aussi naissance aux Etats-Unis, sur une base plus empirique.
Chapitre 3 : Grands auteurs et grands courants (2) – Les grands courants de la sociologie moderne
A la suite des travaux des deux « pères fondateurs » de la sociologie que sont E. Durkheim et M. Weber, la sociologie moderne reste durablement traversée par une tension entre deux approches du social : l’une holiste, qui accorde le primat à l’étude des structures sociales et des phénomènes collectifs, et l’autre individualiste, qui part d’une analyse de l’action individuelle pour comprendre la société. Cette opposition se retrouve aux Etats-Unis : alors que l’approche fonctionnaliste (Talcott Parsons, Robert Merton) accorde le primat à l’étude des structures sociales et de la société conçue comme un système, l’interactionnisme symbolique (Everett Hughes, Howard Becker, Erving Goffman) part de l’étude des interactions entre les individus pour comprendre le social. En France, la sociologie de Pierre Bourdieu, tout en cherchant à dépasser l’opposition individu/société, conçoit dans une large mesure les individus comme étant déterminés par les structures sociales. Raymond Boudon, quant à lui, théorise l’individualisme méthodologique et applique cette grille de lecture du social à de nombreux sujets.
Si cette opposition entre holisme et individualisme fournit une clé d’intelligibilité de la sociologie moderne, il convient toutefois de ne pas surestimer sa portée. En effet, il s’agit essentiellement d’une opposition méthodologique, entre deux manières d’appréhender le social, deux « prises » que l’on se donne sur le social, mais l’adoption de l’une ou l’autre orientation n’empêche pas les sociologues de se poser la question de l’articulation entre individu et société. En d’autres termes, l’adoption d’une démarche holiste ne signifie pas nécessairement que l’on ignore les individus, et l’individualisme méthodologique peut prendre en considération l’influence de contraintes sociales.
Partie 2 : Quelques questionnements sociologiques transversaux
Chapitre 4 : Cultures, socialisation et identités
Dans cette deuxième partie du cours consacrée à des questionnements transversaux aux différents domaines de la sociologie, nous abordons d’abord la problématique de la culture, de la socialisation et des identités.
La culture fait l’objet de deux grands types de définitions en sociologie : d’une part une définition extensive qui, issue de la tradition anthropologique, oppose la culture à la nature, et d’autre part une définition plus restrictive et plus proche de l’acception courante du terme, selon laquelle la culture renvoie au domaine des arts et des pratiques liées à la production et à la consommation de « biens culturels » (musique, livres, spectacles, cinéma, etc.). Dans l’optique d’une appréhension de la culture comme prisme d’analyse transversal en sociologie, nous retenons dans ce chapitre la définition plus extensive de la culture, issue de la tradition anthropologique. Ainsi entendue, la culture a fait l’objet d’analyses plurielles : à des approches mettant l’accent sur la cohérence propre à chaque culture ont succédé des analyses insistant sur la complexité et la diversité interne à chaque culture. Les concepts d’acculturation, de sous-culture ou encore de contre-culture illustrent bien cette dernière perspective.
La complexité des cultures induit logiquement une complexité des processus de socialisation, ceux-ci correspondant justement aux processus par lesquels l’être humain « apprend et intériorise tout au cours de sa vie les éléments socioculturels de son milieu » (selon la définition de Guy Rocher). Dès la socialisation primaire (pendant l’enfance), l’enfant est influencé par une pluralité d’instances de socialisation : parents, école, mais aussi nourrices, puéricultrices, jeux et lectures, médias, culture de masse… Poursuite de la socialisation à l’âge adulte, la socialisation secondaire ne se résume pas à la socialisation professionnelle, dimension la plus étudiée par les sociologues. En effet, le couple, ainsi que les divers groupes d’appartenance (associatifs, politiques, religieux), mais aussi les instances de socialisation plus diffuses telles que les médias et la culture de masse, contribuent également à façonner l’individu à l’âge adulte.
Résultat objectif de ces processus de socialisation potentiellement divergents, l’individu est une entité traversée de contradictions. Selon l’analyse de Jean-Claude Kaufmann que nous reprenons dans ce chapitre, la construction identitaire correspond au processus subjectif de reconstruction d’une unité et d’un tout cohérent à partir de ces éléments pluriels et contradictoires dont est fait un individu.
Chapitre 5 : Contrôle social, normes et déviance
Contrôle social, normes sociales et déviance sont trois concepts étroitement liés en sociologie. Les normes sociales peuvent être généralement définies comme les principes et modèles de conduites acceptés et valorisés dans une société ou un groupe social donné ; le contrôle social désigne les dispositifs permettant d’assurer le respect des normes sociales ; la déviance, enfin, correspond à la transgression d’une norme, qui s’accompagne le plus souvent d’une sanction.
Dans une optique proprement sociologique, l’analyse des normes et déviances dépasse largement la perspective criminologique à laquelle ces questions sont trop souvent réduites. En effet les normes sociales ne se réduisent pas aux normes juridiques, la déviance ne se réduit pas au crime, et le contrôle social est le fait de bien d’autres acteurs que les seules autorités policières et judiciaires. La première partie du chapitre vise à illustrer la diversité des normes sociales et des types de déviances ; leur caractère de construction sociale sera souligné à partir d’une mise en lumière de la diversité des normes sociales dans le temps et selon les cultures. Enfin, la notion de « contrôle social » étant trop souvent utilisée de façon indéfinie, sans que les acteurs du contrôle soient clairement nommés, nous proposerons quelques éléments de réponse à la question : « Qui assure le contrôle social ? », en distinguant d’une part le rôle des institutions et des « entrepreneurs de morale » (Becker), et d’autre part le contrôle social plus diffus s’opérant au fil des interactions de la vie quotidienne.
La seconde partie du chapitre présente quelques théories de la déviance, en distinguant les théories abordant la déviance comme un fait social (analyse du crime chez Durkheim, typologie des modes d’adaptation individuelle chez Merton) des théories analysant la déviance comme processus (théorie de l’étiquetage de Becker, analyse interactionniste du stigmate chez Goffman).
Diapos chapitre 5 normes déviance
Chapitre 6 : Stratification sociale et inégalités
La stratification sociale, qui correspond à une représentation de la société comme un ensemble de groupes sociaux hiérarchisés, soulève de nombreuses questions, notamment quant aux critères de définition de ces groupes sociaux et à leur nombre, et quant à la mobilité possible entre ceux-ci. Dans les théories de la stratification sociale, l’activité professionnelle a longtemps constitué le critère déterminant, voire unique, de distinction et de hiérarchisation entre les groupes sociaux. Ces théories divergent par contre fortement quant au nombre de groupes ainsi identifiés et quant à l’analyse des relations entre ceux-ci : coexistence ou conflit, mobilité ou reproduction sociales. Les théories de la stratification sociale proposées par K.Marx et L.Warner sont présentées dans la première partie de ce chapitre pour illustrer cette diversité de conceptualisations.
La prédominance de l’activité professionnelle comme critère de classification des groupes sociaux se retrouve dans les outils de classement statistiques de ceux-ci, comme l’illustre la nomenclature française des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) qui est couramment utilisée par les sociologues pour rendre compte de l’influence de la catégorie sociale sur diverses pratiques et représentations dans le cadre d’enquêtes quantitatives. La deuxième partie du chapitre présente cette nomenclature, et expose à partir de celle-ci les grandes évolutions de la structure sociale en France.
En utilisant l’activité professionnelle comme principal critère de distinction entre groupes sociaux, de nombreuses théories de la stratification sociale, de même que les outils statistiques permettant une approche quantitative de cette dernière, rendent insuffisamment compte de la pluralité des logiques de différenciation et de hiérarchisation traversant les sociétés. En effet, il existe bien d’autres distinctions sociales au fondement de hiérarchies et de rapports de pouvoir entre groupes sociaux : genre, origine ethnique (discriminations raciales), handicap, orientation sexuelle, lieu d’habitat, religion, forme familiale… Parmi ces distinctions, nous développerons l’exemple des inégalités hommes/femmes. Si la ventilation par sexe des données concernant les PCS permet de rendre compte d’une partie des inégalités professionnelles entre hommes et femmes (concentration des femmes dans un petit nombre de PCS peu prestigieuses et dont la qualification est peu reconnue), elle échoue à restituer l’omniprésence de ces inégalités liées au genre dans les différentes sphères de la vie sociale ; pour illustrer ce phénomène, nous développerons l’exemple des inégalités hommes/femmes dans la sphère politique.
Diapos_ chapitre 6_stratification
Partie 3 : Deux exemples de thèmes sociologiques
Chapitre 7 : Sociologie de l’école
La sociologie de l’école est marquée par un questionnement dominant, qui guide la grande majorité des travaux : l’enjeu de la démocratisation scolaire. La notion de démocratisation correspond ici à deux processus distincts : d’une part la massification de l’accès à l’école et à des niveaux de plus en plus élevés de la formation initiale (démocratisation quantitative), d’autre part l’enjeu de l’égalité des chances scolaires, qui renvoie à la question de savoir dans quelle mesure la réussite scolaire est dépendante ou indépendante des caractéristiques sociales des élèves (démocratisation qualitative). Ces deux aspects sont successivement étudiés dans ce chapitre, à partir de l’analyse du cas français.
En ce qui concerne la généralisation de l’accès à la formation initiale (partie I), plusieurs étapes importantes peuvent être distinguées : alors que les politiques scolaires de la IIIème République ont permis la généralisation de l’accès à l’école primaire (lois Ferry, 1881-1886), les réformes adoptées à partir des trente glorieuses ont permis une massification de l’accès au secondaire (1959 : scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans ; 1975 : mise en place du collège unique) puis, plus récemment, à l’enseignement supérieur (loi Jospin en 1989 : « 80% au bac »). Les effectifs du second degré ont ainsi été multipliés par 5 entre 1950 et 2002, et ceux du supérieur par 11.
Cette massification de l’accès à l’école n’est toutefois pas synonyme de démocratisation « qualitative ». En effet, la réussite scolaire reste variable selon l’origine sociale. La deuxième partie de ce chapitre aborde les effets de trois mécanismes de différenciation sociale sur la réussite scolaire : les inégalités liées à la PCS d’origine et au sexe, et les effets de la ségrégation ethnique. Au-delà de la seule réussite scolaire, la prise en considération des déterminants sociaux de l’accès aux différentes filières (au niveau du bac et de l’enseignement supérieur notamment) renforce le constat, dressé par Pierre Merle, d’une démocratisation « ségrégative », la généralisation de l’accès à un niveau d’études donné s’accompagnant d’une différenciation sociale selon les filières. La répartition inégale des hommes et des femmes dans les différentes filières est particulièrement illustrative de ce phénomène.
Comment expliquer cette inégalité des chances ? La troisième partie du chapitre offre un aperçu des théories sociologiques sur l’inégalité des chances scolaires : après l’opposition classique entre des explications holistes (P.Bourdieu, J-C.Passeron) et individualistes (R.Boudon), sont présentées les analyses plus récentes marquées par une attention nouvelle portée aux dynamiques locales productrices d’inégalités : dynamiques de socialisation au sein de la classe, « effet enseignant », « effet établissement », prise en considération des politiques locales. Ces nouvelles approches ont conduit à un recours accru à des méthodes qualitatives (entretiens, observation) dans une discipline sociologique longtemps dominée par une démarche quantitative.
Chapitre 8 : Sociologie urbaine
La rapidité des processus d’urbanisation et l’ampleur du « fait urbain » suffisent à justifier l’intérêt porté par les sociologues à la ville : depuis 2008, 50% de la population mondiale vit en ville, et en France, les ¾ de la population vivent dans des « unités urbaines » au sens de l’INSEE. L’objet « ville » a toutefois été diversement construit selon les sociologues : point de départ d’une sociologie générale pour R.Park et la première génération de l’Ecole de Chicago, la ville a ensuite été interrogée sous des angles variés par les sociologues qui s’y sont intéressés : répartition et mouvements de populations dans la ville, processus de ségrégation, organisation économique, habitat, transport et mobilité, pouvoir local, politiques urbaines… Parmi cette diversité de questionnements, ce chapitre se concentre sur deux thématiques : d’une part la différenciation sociale de l’espace urbain, d’autre part les politiques urbaines et leurs effets.
L’enjeu de la différenciation sociale de l’espace urbain est au cœur de la démarche d’ « écologie urbaine » développée par la première Ecole de Chicago, comme l’illustre bien le « schéma concentrique » d’E.Burgess. Cette thématique soulève par ailleurs la question de la ségrégation urbaine, dont nous présenterons quelques définitions et quelques pistes d’analyse explicative. En effet, dans la mesure où ils ne se réduisent pas aux cas de ségrégation institutionnalisée et imposée par une autorité (ex. apartheid), les processus de ségrégation demandent à être analysés sociologiquement. Enfin, nous nous intéresserons à la situation inverse de mixité sociale (rapprochement spatial de populations socialement différentes), pour montrer que celle-ci n’est pas nécessairement synonyme d’échanges accrus et de bonne entente entre les populations concernées.
En ce qui concerne les politiques urbaines, ce chapitre, sans rentrer dans le détail des dispositifs institutionnels ni de l’historique des politiques, se concentre sur l’apport de la démarche sociologique à l’analyse des effets de ces dernières. Trois grands types de politiques sont abordés, en montrant dans chaque cas comment des travaux sociologiques ont mis en lumière les effets sociaux – anticipés ou non anticipés – des interventions des pouvoirs publics : la rénovation urbaine, la réhabilitation de l’ancien, et le développement social urbain et les politiques de la ville.